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La Presse

FROGGY'S DELIGHT Nicolas Arnstam

"Une femme en robe de mariée et un homme qui n’est pas le marié courent. C’est le point de départ de cette pièce de Pierre Vignes qui démarre à cent à l’heure dans un style très "road movie".

Effectivement, les liens de parenté avec le cinéma sont forts : scènes courtes et alternance de lieux, flashbacks, dialogues très vifs…. La pièce, mise en scène avec grand talent par Sébastien Rajon est à mi-chemin entre David Lynch (pour l’ambiance étrange) et Quentin Tarantino (pour la cavale et l’humour dévastateur).

Autour d’une ingénieuse installation (entre la cabine d’essayage et la boite de magicien) qui se transforme à volonté et permet surtout de voir l’histoire sous de multiples angles, les comédiens se démultiplient eux-aussi, avec rythme et précision, pour nous offrir une quête échevelée à la recherche d’amour et de liberté.

Stéphanie Papanian et Michel Laliberté sont les multiples facettes d’Elsa et de Paul, confrontés à leurs démons et à leurs fantasmes. Les deux comédiens sont merveilleusement complémentaires et passent avec une virtuosité prodigieuse d’une mariée déboussolée à une baronne cynique, d’un gars en plein doute à un époux maniaque et inquiétant, jusqu’au bout de la route.

Porté par un souffle mystérieux, on rentre avec bonheur dans cette atmosphère captivante à la lisière du fantasmagorique, peuplée de personnages frôlant le décalé pour faire de ces "Cavales" un moment original d’où fusent les rires par la grâce de répliques percutantes et de comédiens sensationnels, mais où l’étrangeté de l’ambiance nous emmène aussi dans les méandres d’une histoire d’amour complexe et envoutante.

Une brillante variation sur l’amour moderne."

Camille Hazard - Un fauteuil pour l’orchestre

Stéphanie Papanian et Michel Laliberté interprètent tour à tour des personnages divers et variés en gardant toujours l’unique cerveau d’Elsa et de Paul ! En mettant beaucoup de vérité dans leurs personnages, ils créent un sentiment de malaise chez les spectateurs, déclenchent des rires nerveux et nous essoufflent !” 

 

Les trois coups.com Sheila LOUINET

Diable d’illusionniste que ce Sébastien Rajon ! Ce virtuose de la mise en scène, touche-à-tout, polymorphe et alchimiste, ne cesse de nous charmer. 

Sur la scène du Théâtre Essaïon, les moyens sont plus modestes que ceux qui lui avaient été donnés à L’Athénée. Et, plus difficile encore, comment rivaliser avec le succès obtenu du Balcon (en 2005) ou bien avec celui des Courtes lignes de M. Courteline (plus récent, en 2008) ? Cavales n’a certes pas la même ampleur que la plupart de ses spectacles précédents, mais qui connaît Sébastien Rajon et a eu la chance de voir Peer Gynt (2001) sait que l’imaginaire de ce metteur en scène est suffisamment fertile pour qu’avec une planche et trois bouts de ficelle, il soit capable de nous concocter un spectacle des plus aboutis.

Et, dès les premières secondes, nous voilà embarqués dans la course effrénée et frénétique de deux personnages. Le ton est donc donné : haletant et angoissant. Pourtant, l’intrigue paraissait au départ simple, même déjà un peu rabâchée : une jeune mariée choisit le jour de ses noces pour fuir un mari dont elle a peur. L’un des invités décide de la suivre. Or, l’enjeu se situe à plusieurs niveaux : certes, il y a la cavale de Paul et d’Elsa, qui tentent d’échapper au mari jaloux et tortionnaire. Mais Pierre Vignes (l’auteur) ne se contente pas de ces chemins balisés. L’histoire acquiert une force et une densité particulières dès lors qu’on entre dans les méandres psychologiques de chacun. L’ambiguïté est alors de mise. Et le spectateur est rapidement mis en déroute face à des personnages d’une complexité parfois effrayante. Pas étonnant que l’auteur ait choisi de mettre un pluriel à son titre. Si l’on peut fuir les autres, peut-on échapper à soi-même ? Dans cette cavale aux multiples visages, l’embardée n’est pas loin.

 

Michel Laliberté emporte de nouveau l’adhésion

Pièce à six personnages. Les deux acteurs interprètent tous les rôles. Le jeu de Michel Laliberté emporte l’adhésion. Si on avait déjà pu l’applaudir cette saison dans les Liaisons dangereuses, on apprécie encore mieux son talent dans le rôle plus complexe de Paul. Grâce à l’ambivalence de son personnage, il gagne ici une épaisseur supplémentaire : on ne sait s’il est le grand méchant loup qui s’est glissé dans la bergerie ou le beau chevalier qui vient sauver la princesse. Dans des soubresauts auxquels on ne s’attend pas toujours, il quitte l’aspect bienveillant et protecteur du protagoniste pour devenir un être inquiétant, instable, voire brutal, selon qu’il est braconnier, fiancé ou mari. Le malaise est palpable. Grâce au travail accompli sur la voix, la gestuelle et les costumes, il installe le spectateur dans une ambiguïté qui le tient en suspens, d’un bout à l’autre de la pièce.

Parfois moins convaincante, sa partenaire, Stéphanie Papanian, gagne cependant en profondeur dès lors qu’elle joue le rôle de la « petite chose fragile » ou du Petit Chaperon rouge apeuré. Que ce soit en présence du chasseur, de son mari autoritaire et instable, ou dans le rôle de la femme de Paul rejetée et abandonnée, elle atteint à chaque fois une belle maîtrise de jeu. Par contre, le personnage de la Baronne Von Stutten est moins abouti. Si la coloration sadomasochiste de celui-ci est particulièrement intéressante et ajoute à l’équivoque du caractère, le jeu de Stéphanie Papanian manque encore un peu de corps : on aurait aimé y voir encore plus de chien et de sex-appeal de la part de la comédienne.

Beaucoup d’intelligence

L’exercice n’en demeure pas moins périlleux et difficile. Les personnages se laissent regarder comme une espèce de kaléidoscope… sous toutes ses facettes. Ce conte revisité et cruel est mené avec beaucoup d’intelligence, tant sur le plan de l’écriture que du jeu. La pièce a ce mérite évident de ne pas porter de regard manichéen sur ses personnages. On baigne en eaux troubles. Après tout, qui a dit que l’homme était soit bon soit mauvais ?

On ressort de cette fuite en avant tout aussi époumoné et palpitant. Une fois encore, Sébastien Rajon réussit à nous faire plonger dans un univers des plus singuliers. Définitivement, il fait partie de ces jeunes metteurs en scène (32 ans) dont il faut suivre le parcours…

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Theatrorama

Constat amer sur la vie conjugale, cet ovni théâtral à la mise en scène assumant ses audaces surprend, dérange mais finit surtout par séduire. Il faut dire qu’il bénéficie d’une interprétation de haut vol.

La mariée n’était pas en noir bien qu’elle en broyât déjà bien avant l’autel. La voilà courant dans la forêt avec un des invités de la noce. Noce barbante s’il en est. De toute évidence, ces deux-là se sont trouvés. Mais pour en arriver là, il a bien fallu que quelque part le train-train de la vie déraille. Flash back…

Une banale histoire de couples, ces « Cavales » ? Cela pourrait effectivement en prendre le chemin s’il n’était de traverse. A l’image du parcours de tout couple, semble nous laisser entendre le metteur en scène, qui n’a pas lésiné sur les moyens pour dresser un constat désabusé de la vie conjugale. Deux comédiens seulement vont endosser, à une allure vertigineuse parfois, tous les personnages, alternant les séquences de liesse à celles où la décrépitude conjugale est plus que consommée. Les uns sont l’avenir ou le passé des autres et inversement, le tout consistant à montrer clairement que chacun n’est que son double désabusé en devenir. Pas drôle, tout ça ?

 

Une bonne dose d’humour toutefois
Pas drôle mais pas si pathétique que ça, au fond. Une assez faible empathie pour les personnages permet de désamorcer, lorsque surgissent quelques éléments vraiment drôles, cette impression de descente aux enfers. Car au fond, ces individus, qui naviguent entre fantasme et réalité, se rient aussi d’eux pour mieux le faire de tous. C’est finalement un jeu où proie et prédateur se passent inlassablement le relais, se renvoient la balle. Elle peut être saignante, cinglante, silencieuse (ce qui est pire encore), masquée, inquiétante aussi…
Cette unité qu’induit la mise en scène et qui enferme les personnages dans ce marasme conjugal sans retour s’appuie également sur un décor simple mais imposant, modulable mais difficile à faire bouger, à l’image de ces couples que la pesanteur des ans cloue sur place dans une inanition mortifère. Et au milieu de cette étrange structure, deux comédiens. Ils sont beaux, ils sont bons. Très bons. Michel Laliberté que l’on avait vu dans « Ladies Night » l’an passé, trouve là un rôle vraiment à la mesure de son immense potentiel. Il est magnifiquement accompagné par Stéphanie Papanian dont la palette de jeu est impressionnante. Il faut absolument venir les voir !

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